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Présentation

La curiosité est-elle un vilain défaut? Que faire quand on s'appelle Valentin Martin, capitaine de police à Frontignan, et que l'on découvre deux lettres anonymes oubliées dans la cachette secrète d'un vieux secrétaire?

Aidé de Carole Samba, sa jolie compagne, ils décident d'en remonter la piste, par jeu. Ils ne savent pas encore qu'ils vont ouvrir la boîte de Pandore.

Plus ils avanceront dans leur enquête, plus ils s'enfonceront dans le sombre passé d'un ignoble personnage et de son entourage tourmenté. Dissimulations, mensonges, omissions entraveront l'établissement de la vérité que personne ne souhaite voir éclater.

De Frontignan au Boullay-Thierry et à Dreux, Carole et Valentin n'auront de cesse de briser la loi du silence.

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1

- Et voilà, dernier carton, dernier meuble, soupira Carole, soulagée.

- Il ne reste plus qu'à rendre les clés, j'y vais de ce pas, annonça joyeusement Valentin Martin.

Les déménageurs avaient réservé un emplacement en fin de chargement du camion : ils y calaient le précieux secrétaire en merisier qui ornait l'entrée de la maison et auquel Carole était très attachée. Depuis son enfance, sur ce beau meuble, elle avait passé des heures à noircir des copies, à écrire sa correspondance, à compléter quotidiennement le journal intime qu'elle prenait soin de ranger le soir dans le premier des quatre tiroirs de la partie supérieure. Le pupitre d'écriture, astucieux demi-coffre rabattable, laissait réapparaître les quatre tiroirs du haut, une fois replié. Les six autres tiroirs de la partie inférieure offraient un grand volume de rangement. L'échancrure semi-circulaire de la tablette basse évitait à l'utilisateur de se heurter les tibias. Carole adorait ce meuble de bois massif. Rien ne l'aurait séparée de "son" secrétaire, sur lequel elle avait rédigé tant de confidences de fillette et d'adolescente. Son odeur subtile de cire d'abeille avait un effet apaisant sur elle, parfum d'enfance insouciante invitant à plonger dans les souvenirs heureux.

- On se retrouve à Frontignan, je vais ouvrir là-bas, à tout à l'heure, lança-t-elle.

Ils échangèrent un petit baiser et se séparèrent. Chacun rejoignit sa voiture. Elle précéderait le camion de déménagement pour ouvrir la porte de leur nouvel appartement et veillerait au bon déroulement du début de la livraison.

Pour eux, partir de Sète avait été une nécessité. Après le terrible kidnapping dont elle avait été l'objet, Carole ne se sentait plus en sécurité à Villeroy. Ils avaient trouvé un appartement spacieux, quai Voltaire, au second étage d'un immeuble récent, avec une vue imprenable sur le canal du Rhône à Sète.

Elle emprunta la route de la corniche, dépassa le théâtre de la mer. Au rond-point du môle, elle suivit les quais embouteillés, traversa le Pont de la Savonnerie puis celui de la Victoire, et rejoignit Frontignan par la route de Montpellier et la D612 longeant le nouveau canal commercial. Quelques minutes après elle, le camion arriva.

- C'est au second étage, suivez-moi, dit-elle en s'adressant au chauffeur.

- Attendez, ma p'tite dame, on monte pas les mains vides, on fait jamais un voyage pour rien dans l'métier.

Il se reprit un peu gêné, en réalisant que sa cliente était enceinte et qu'elle aurait pu prendre cette réflexion pour elle.

- Non, non... pas vous... bien sûr, moi, bafouilla-t-il. C'est pour quand ? dit-il en appuyant son regard sur le ventre arrondi de Carole.

- Pour dans deux mois, répondit-elle, d'un ton fier et enjoué.

- Félicitations ! Bon... au boulot.

Le solide gaillard d'un mètre quatre-vingt-dix, taillé comme un pilier de rugby joignit le geste à la parole, ouvrit les portes arrière du camion et s'empara du dernier meuble chargé. Il suivit Carole, le portant seul, comme s'il s'était agi d'un sac de plumes.

- Attention, j'y tiens beaucoup ! prévint-elle.

- Pas de problème, j'ai l'habitude ma p'tite dame.

La porte d'entrée s'ouvrait sur un vestibule, prolongé par un salon salle à manger donnant sur une terrasse et une cuisine fermée. Le couloir reprenait au fond de la pièce et desservait trois chambres, la salle de bains et les toilettes. Une de ces chambres avait aussi l'accès sur la terrasse, ce serait celle des parents, la plus proche serait occupée par le bébé à venir, la dernière servirait de bureau et de chambre d'amis.

- Vous pouvez poser le secrétaire là-bas dans cette pièce, près de la fenêtre dit-elle en désignant la porte du fond à droite.

Le colosse s'exécuta, fit passer le secrétaire longitudinalement à travers le châssis de la porte et le posa avec délicatesse. Les tiroirs s'étaient légèrement ouverts. Elle les repoussa mais ne put refermer correctement celui situé en bas à droite de la partie supérieure. Il ne glissait plus aussi bien qu'avant. Elle retourna guider la suite de la livraison des meubles et des cartons.

- Tout se passe bien ? interrogea Valentin qui venait de les rejoindre.

- Parfaitement. Peux-tu regarder les tiroirs du secrétaire ? Il y en a un qui se referme mal.

- OK, j'y vais.

En effet, le futur papa constata un léger frottement sur ledit tiroir. Il l'enleva entièrement. Une petite cheville cylindrique sensée en maintenir le dos dépassait légèrement et butait sur une minuscule cale située au fond du logement. Valentin pensa que son émergence était due aux divers déménagements et aux vibrations du dernier transport. Il essaya de la renfoncer sans succès. Il la fit jouer, tourner sur elle-même et réussit à l'extirper en la dévissant. L'extrémité interne était constituée d'un pas de vis en laiton. Intrigué, il observa avec plus d'attention les flancs du tiroir. Une cheville semblable se présentait de l'autre coté. Il humecta son index d'un coup de langue, pour assurer un meilleur contact et réussit à dévisser cette seconde cheville. Le dos du tiroir pouvait alors glisser dans les rainures des côtés.

- Viens voir, chérie, j'ai découvert quelque chose.

Elle s'approcha, intriguée.

- Je sais pourquoi ton tiroir ne fermait pas : pendant le transport, il a dû s'ouvrir légèrement, un centimètre au maximum et les vibrations du camion ont fait jouer cette petite cheville-là qui s'est déplacée. Tu ne pouvais pas bien refermer le tiroir car elle butait sur une petite cale... Penche-toi et regarde au fond.

- En effet, mais c'est minuscule.

- L'ébénisterie est au bois ce que l'orfèvrerie est aux métaux précieux. Le fait que cette cheville dépasse d'un millimètre suffit à bloquer le bon glissement du tiroir, rappelant à l'usager du meuble qu'il a oublié quelque chose.

- C'est donc volontaire ?

- Et oui, mon amour, répondit Martin sur le ton de celui qui en sait plus que les autres.

- Pourquoi donc ?

- Lorsque la cheville est bien enfoncée tout va bien, mais c'est une fausse cheville. C'est en réalité une vis avec une tête de bois, conçue pour être enlevée.

Valentin étaya sa théorie d'une une éclatante démonstration. En un tour de main, la cheville fut dévissée.

- Maintenant, enlève celle qui est de l'autre côté.

Carole s'exécuta, puis guidée par son amoureux, elle fit glisser le dos du tiroir dans les rainures et le désolidarisa. Elle s'étonna :

- Mais, c'est creux à l'intérieur... voilà, c'est un rangement secret... Et si le tiroir n'est pas complètement enfoncé, c'est un signal pour montrer que la cachette n'est pas bien fermée. Attends... regarde, il y a quelque chose.

- À toi la découverte.

Elle tapota délicatement la petite planche de bois évidée et fit apparaître deux enveloppes jaunies par le temps.

- C'est complètement fou ! s'exclama-t-elle, tout excitée. Et il y a du courrier à l'intérieur ! Ouah !

- Désolé, mais il faut se garder ça pour ce soir, on a un déménagement à finir. Je remonte le tiroir, et peut-être aurons-nous d'autres surprises ?

- Très bien, je range cette trouvaille dans le premier tiroir. Vivement ce soir.

La suite du déménagement se passa sans désagrément.

2

Le soir venu, Carole avait revêtu une charmante robe de grossesse bleue et noire à col rond et aux manches larges. Très doux au toucher et au regard, le tissu épousait parfaitement ses nouvelles rondeurs. Une ceinture nouée sous la poitrine exaltait sa nouvelle féminité. Elle avait remplacé son jean de la journée par un collant noir semi-opaque, moulant agréablement ses longues jambes galbées. Un peu éprouvée par le déménagement, elle avait délaissé ses bottines noires pour des ballerines bicolores, assorties à sa robe.

La future maman assistait à l'inspection en règle du secrétaire, dans ses moindres détails.

- Alors, Monsieur le Policier ? interrogea-t-elle, impatiente de connaître les résultats des investigations de son compagnon.

Valentin Martin était le chef du poste de police de Frontignan. Il s'était déjà brillamment illustré dans des enquêtes criminelles délicates, dans la résolution d'affaires se déroulant dans sa ville. Malgré cela il avait le succès toujours modeste, mettant en avant plutôt le travail de son équipe que ses réussites personnelles. En tant que chef de groupe, il était autant apprécié par ses subalternes que par sa hiérarchie grâce à son charisme, sa ténacité, ses capacités à organiser, son humilité devant d'autres compétences que les siennes.

- Les dos des autres tiroirs sont correctement fixés, rien ne sonne creux, pas de double fond, pas d'autre espace de dissimulation possible, j'ai bien mesuré les intérieurs et les extérieurs, ce tiroir est le seul à posséder une cache secrète. Mais, dis-moi, d'où vient ce meuble ?

- C'est un cadeau de mes parents, et je l'ai depuis que je suis toute petite. J'en ai fait des devoirs dessus...

Un sourire irradia son beau visage oblong. Son regard noisette sembla se perdre hors de la réalité, dans le souvenir d'un heureux passé. Cette absence ne dura que quelques secondes, elle reprit :

- Ce n'est pas un meuble de famille, bien que j'aie l'impression de l'avoir toujours vu à la maison. Je crois que mon père l'avait acheté à un antiquaire. Je peux l'appeler, si tu veux.

- Oui, pourquoi pas. Mais avant, n'es-tu pas curieuse de connaître le contenu de ces enveloppes ?

- Si, mon chéri, mais attention, puisqu'il y a mystère, allons jusqu'au bout de notre délire : faisons comme s'il s'agissait de pièces à conviction, sortons notre matériel de police scientifique.

Carole était le médecin légiste rattaché au district de police de Montpellier. Son arrivée dans le service avait été fort remarquée par la gent masculine qui se serait fait porter pâle, rien que pour qu'elle s'approchât de l'un d'eux et l'auscultât : investir sa sphère intime ne serait-ce qu'un instant, avoir une fraction de seconde à partager avec elle, sentir son parfum, la chaleur de sa peau... Elle avait su mettre les distances immédiatement, seul Valentin Martin avait été " l'heureux élu ", ne laissant aux autres que le loisir du fantasme. Elle prépara pinces, gants, sachets en plastique ; sortit avec une précaution chirurgicale les deux enveloppes du tiroir à l'aide d'une pince et les posa sur la table de verre du salon. La déchirure était franche et nette, elles avaient été ouvertes probablement avec un coupe-papier.

- C'est un modèle classique d'enveloppe, 11 par 16 centimètres. La colle tient bien encore, elle a été certainement bien mouillée ! constata Carole en essayant de décoller l'extrémité du rabat.

- Ou léchée. Dans le temps, ni les enveloppes ni les timbres autocollants n'existaient, répondit Martin doctement, pour la taquiner.

- Oui, je sais, je ne suis pas si niaise, reprit Carole comme piquée au jeu dans lequel Valentin avait voulu la faire entrer. Regarde le recto, un seul nom écrit en lettres majuscules, au stylo bille noir et souligné : NAUDAUT, également sur l'autre enveloppe. Je suis excitée de voir le contenu.

- On peut faire des paris, si tu veux : je pense qu'il s'agit d'une reconnaissance de dette, proposa Valentin.

- Et moi, je ne suis pas du tout d'accord avec toi, ce sont des lettres d'amour. Mais qu'est-ce qu'on parie ?

- Quel romantisme ! La semaine prochaine, c'est la saint Valentin. C'est ma fête, n'est-ce pas ? La perdante organise la soirée !

- Il est hors de question que je perde, c'est "le" perdant qui organise la soirée, répondit-elle, en insistant sur le mot "le".

- D'accord.

- Alors on ouvre ?

Elle sortit délicatement le contenu de la première enveloppe avec des pinces philatéliques à bouts pelles. Elle déplia la feuille de format A4 et la posa sur la table :

« arrête tes Saloperies »

Les lettres composant le message avaient été découpées dans des journaux et soigneusement collées. La stupéfaction envahit le visage des deux curieux.

- Arrête tes saloperies ? répéta Martin dubitatif, bigre ! Tu vois autre chose ?

- Non, rien. On déplie la seconde ?

- Assurément !

« tu va crever charogne »

Le même soin avait été apporté à la composition de ce second message. Même format de papier, même pliage en quatre. L'incrédulité et la perplexité firent place à la joie souhaitée par l'ouverture de ces courriers.

- Pas gagnante, pas perdante. Ni reconnaissance de dette, ni lettre d'amour. Mais je te fais un cadeau prématuré de saint Valentin. Pour Monsieur le Policier : une belle enquête afin de dénicher qui est ce Naudaut, et surtout qui a envoyé ces lettres.

- Tope là, mais seulement à mes moments perdus, et j'aurai certainement besoin de ton aide, ma chérie, répondit-il, amusé par la proposition de Carole.

- Compte sur moi, acquiesça-t-elle en l'enlaçant tendrement.

- Tu téléphoneras à ton père ?

- Bien-sûr, dès demain matin. Il se lève de bonne heure, et cela me fera l'occasion de prendre de ses nouvelles.

Roman Policier

240 pages, format 11x18 cm, 10,00 €

Couverture :

Impression quadrichomie sur fond noir, pelliculage brillant.

Feuillets :

Impression noir et blanc recto verso, Papier offset blanc 90g, Reliure dos carré avec mors latéraux collés, double rainage d'aisance.

Imprimé en FRANCE

ISBN 978-2-918997-31-3

Dépôt légal avril 2013

éd Clairdeplume34

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